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Le 16 novembre 2009, je suis invitée à « Ce soir (ou jamais !) », sur France 3, face à Tariq Ramadan. J’attends ce duel depuis la sortie de mon livre, « Frère Tariq », cinq ans plus tôt. Mon défi : rester calme face à un adversaire dont je connais la monstruosité.

Je sais que je serai sur le ring pendant une heure, qu’il me faudra démasquer ce prédicateur doué comme personne pour esquiver et rendre les coups. Tariq Ramadan a mis KO tous ses opposants, excepté Nicolas Sarkozy. Il est 23 heures. Dans le public, les supporteurs de Ramadan : femmes voilées et fines barbes. Je commence à percer son armure en faisant écouter une cassette où il parle des « grands péchés ». Il s’y révèle incroyablement moraliste, pudibond, obsédé par le contrôle de la vie sexuelle.

En souriant, je lui fais remarquer qu’en tant que fondamentaliste, il applique sûrement ce qu’il prêche : la chasteté et l’interdit de toute sexualité hors mariage. Son œil s’assombrit. Contrarié, il se demande sûrement ce que je sais de sa double vie. Pour changer de sujet, il pointe deux erreurs anecdotiques dans mon livre, puis tente de me faire passer pour une menteuse, une raciste. Sa seule défense. Toujours la même mauvaise foi, mais je tiens bon.

Touche après touche, je dévoile ses faux-semblants. Sa machine à séduire se détraque. Me revient l’image d’une mère algérienne à qui son fils ne parle plus depuis qu’il est fan de Ramadan et celle de mes amis laïques qui ont fui l’Algérie à cause des islamistes. Pour eux, pour nous, du fond du cœur et du ventre, je lui assène le coup de grâce : le Front national n’est pas passé dans ce pays, vous ne passerez pas non plus ! Silence sur le plateau. Après le générique, Christelle, une des femmes qui m’a raconté avoir été violée par Ramadan, surgit du public et me félicite devant lui. Il blêmit : il a compris que la vérité éclatera un jour. Je n’imaginais pas que ce serait si long. Menacée de mort, Christelle attendra huit ans pour porter plainte, quelques jours après celle déposée par Henda Ayari. Moi, j’ai reçu des milliers d’insultes à la suite de l’émission. Les islamistes ne m’ont jamais pardonné d’avoir détrôné leur idole. 

« Je suis très gourmande, j’aime les bons restaurants entre amis, prendre de belles photos, voir de beaux films. Et j’ai la chance de vivre avec une femme qui me protège. Cette douceur de vivre compense toutes les attaques. » 

« Pour tenir dans les combats contre les extrémistes, il faut être très heureux, se ménager des espaces de paix et de beauté. Je prends beaucoup de photos d’animaux sauvages en Afrique du Sud et en Namibie. Ils sont paisibles. Je n’ai jamais vu une girafe voilée ou un lion devenir raciste. Leur violence est saine, juste guidée par l’appétit. »

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